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Bonjour

« Je suis installé devant la piscine de mon hôtel de luxe à Santiago du Chili. Nous sommes en décembre et il fait 32 degrés. Après une intense journée de répétitions avec la phénoménale Gabriella Hernandez, je sirote une vodka tonic tout en contemplant les beaux nageurs. » Voilà comment j’ai entamé une newsletter il y a quelque temps. Je voulais vous faire marcher en exagérant un peu. Quoi qu’il advienne des subventions. Mais bon : ce n'était pas un hôtel de luxe, personne ne nageait et il y avait très très peu de vodka et beaucoup de glace. Je voulais écrire sur l'impressionnante Santiago et la période révolutionnaire turbulente que connaît le Chili. Et comment - après la vodka tonic - je suis parti me balader et ai été aspergé à la bombe lacrymogène dans les yeux. Les manifestants ne portaient pas de masques. Le monde à l'envers, pensai-je. Je suis arrêté par un anarchiste ivre en uniforme rouge-noir brandissant une sorte de bouclier de viking, un tuyau en métal au poing droit, qui rugit « no pasaran » en découvrant sa bouche sans dents. Il me voit fixer sa bouche édentée et explique : « J'ai laissé mes dents à la maison. Comme ça ils ne pourront pas me les casser. » Il me prend pour ce que je suis - à savoir sans intérêt - et poursuit sa quête de liberté. Je voulais aussi écrire sur le festival Santiago a Mil où « a mil » est le prix du billet : 1000 pesos – soit un peu plus d'1 euro - pour que tout le monde puisse y aller. Parfois vingt représentations par soir. Miraculeux. Gabriella, l'actrice de 83 ans, est aussi un miracle. Elle arrive aux répétitions un joint non allumé dans la bouche au volant de son 4X4. « Pour après la répétition », confie-t-elle. Elle m'a raconté comment elle s'est vautrée dans la boue à Woodstock '69 et fait l'amour avec Chet Baker. Au bout de trois semaines, je l’ai demandée en mariage mais elle m’a trouvé trop vieux. Soit dit en passant, la première a été un gros succès. Alors j'ai voulu raconter tout ça et puis la guerre a éclaté en Europe et j'ai vu à la télévision que les armes nucléaires étaient désormais miniaturisées et donc plus faciles à déployer. Je me demande contre quoi les anti-vaccins vont manifester maintenant. Et les gilets jaunes. Et le secteur culturel si les subventions se font rares. Et je ne ressens aucun cynisme. Si je ne comprends pas, je feuillette les nombreux livres d'histoire de mon atelier. Pour tenter de me rassurer. Peut-on encore faire de l'art ? J'ai lu Hobbes qui a écrit quelque part au milieu du XVIIe siècle : « … Il n'y a pas de place pour une activité laborieuse… Aucune mesure du temps, pas d'art, pas de littérature, pas de société. Seulement la peur et la menace de mort violente. La vie de l’homme est solitaire, indigente, dégoûtante, dure et brève. » Cela a le don de me rassurer. Nous en avons à nouveau réchappé. À l'époque de Hobbes, en dépit de la pandémie et de la violence des nombreuses guerres européennes, on faisait aussi du très bon art. Toute cette misère n’a pas réussi à venir à bout de l’art. Malgré les exigences des puissants de transformer l'art en propagande ou en arme d'oppression, l'art n'a jamais cédé. Il y a toujours eu des artistes qui ont obstinément refusé de se soumettre. Car l'art reste l'art et la politique reste la politique. Et ce, quoi qu'on en pense. On va se battre avec acharnement là-bas en Ukraine. Les gens seront en effet terriblement seuls. Mais je sais aussi qu’on fait du très bon théâtre à Kiev. Ces gens portent désormais des armes. Les théâtres vont sans doute fermer ou serviront de centres d'hébergement pendant un certain temps. Mais cela passera. Ils rouvriront. Et continueront à poser toutes ces questions épineuses.

Je me demande si je pourrais mettre une balle dans la tête d'un soldat russe, puis faire un joli dessin de ma chère petite-fille Song. J'ai bien peur que oui. Être ou ne pas être est la question la plus difficile en Ukraine. Mais nous continuerons à la leur poser.

Salut

Jan


WHAT'S GOING ON?

Nous ne sommes pas restés les bras croisés depuis le dernier bulletin début octobre 2021. MALAM / NIGHT de Grace Tjang a connu sa première mondiale au Berliner Festspiele, sa première belge un peu plus tard à Bruxelles et a clôturé le finissage de l'exposition EURASIE au M HKA. Billy’s Violence a été présenté pour la première fois en Belgique (le Kaaitheater a affiché complet à deux reprises), nous avons ouvert grand nos portes pendant Xenia – l'EXPLO organisé par Victor Lauwers et Oscar van der Put – et MILL a accueilli plus de 300 personnes lors de cette rencontre d'art visuel, multimédia et performative avec des œuvres de treize artistes différents. Nous sommes allés avec Molly Bloom au Festival Santiago a Mil au Chili où a eu lieu la première latino-américaine de la version mettant en scène Viviane De Muynck et où une version espagnole avec l'actrice vedette Gaby Hernandez a été réalisée en collaboration avec le festival.

Si nous allons encore plus en arrière et considérons 2021 dans son ensemble, nous pouvons nous estimer très satisfaits en dépit de lourdes épreuves. L'année n'a démarré qu'en mai à cause de la pandémie, mais au cours des huit mois « actifs », nous avons présenté cinq premières mondiales, deux premières belges et accueilli plus de 36.500 spectateurs. Soyons clairs : Le COVID n'arrête pas l'art.

Alors, on se repose sur nos lauriers ? Pas question, en avant toute ! Les mois à venir seront dominés par la création d'une nouvelle version de Probabilities of Independent Events de Grace Ellen Barkey avec des élèves danseurs de Zurich, après quoi le spectacle sera en tournée en Suisse pendant un mois dans le cadre du festival STEPS. fragment of wallpainting depicting duck on water une nouvelle œuvre de Maarten Seghers, verra le jour et enfin AMOPERA, un méta-opéra joué et chanté par 27 musiciens qui explore 100 ans d'opéra contemporain - une collaboration entre Needcompany et l'ensemble de musique contemporaine Klangforum Wien dans laquelle l'impossible est rendu possible - sera produit. Entre-temps, Molly Bloom, Billy's Violence, Tout le Bien et MALAM / NIGHT poursuivent leur tournée…


Probabilities of Independent Events (Suisse)

Grace Ellen Barkey a créé Probabilities of Independent Events dans le cadre de l’édition 2019 de December Dance qui était sous la houlette de Needcompany. Elle a travaillé pendant dix jours avec des élèves de KCA et a présenté - avec l'orchestre Needcompany - une fête bourrée d'humour et de radicalité sur le thème de l’inanité joyeuse.



Une rencontre fulgurante entre trois générations s'offre aujourd'hui une seconde version en Suisse, où Probabilities of Independent Events sera créé en exclusivité pour Steps, le festival de danse du Pour-cent culturel Migros, cette fois avec dix jeunes diplômés de la Höhere Fachschule für Zeitgenössischen und Urbanen Bühnentanz de Zurich.

À l’issue d’une période de création de 10 jours et d’une première au Theater Casino Zug le 4 mai, la production sillonnera la Suisse pendant un mois – de Bienne à Fribourg !


AMOPERA



AMOPERA est un méta-opéra où 100 ans d'opéra moderne sont transformés par Klangforum Wien et Needcompany en une ballade dystopique dans laquelle deux protagonistes s’opposent dans une sorte de bras de fer. À l’instar des lambeaux de papier que le dadaïste Hans Arp laissait tomber sur le sol pour créer de nouvelles compositions - guidé par l'objectivité du hasard, différents temps forts musicaux du répertoire moderne sont confrontés les uns aux autres. 

AMOPERA est réalisé par Sarah Maria Sun, Holger Falk, Grace Ellen Barkey, Maarten Seghers, Jan Lauwers et l'ensemble de Klangforum. La confrontation entre tous ces artistes génère une symbiose dans laquelle la maestria se met au service de la quête d'une représentation humaine de l'impossibilité et de l’aspect tragique de l'amour entre deux personnes. Première le 5 novembre au Festspielhaus Erl !


Duck On Water

fragment of wallpainting depicting duck on water est la prochaine étape des recherches de Maarten Seghers quant à la relation potentiellement tragique entre l'artiste et le spectateur. Celle-ci réside dans la propension irrésistible à partager et à se connecter et l'impossibilité effective d’y parvenir. Accomplir une œuvre et créer du sens à partir de « l'incompréhensibilité » est pour lui un acte délibéré dans lequel sommeille l'espoir. Une nouvelle compréhension peut en jaillir. Ainsi, la déconnexion est une reconnexion potentielle.

Le titre renvoie à une ancienne fresque soigneusement conservée représentant un canard sur un étang. L'attrait pour cet artefact archéologique insignifiant a révélé chez Seghers un besoin de dédramatiser qu'il continue d’explorer en compagnie de la percussionniste/chanteuse Aya Suzuki, du violoncelliste/chanteur Simon Lenski, du violoniste/claveciniste George van Dam et du flûtiste Michael Schmid - tous des virtuoses qui, chacun dans leur propre travail et à leur manière, questionnent de fait l’art musical pour aboutir au son et à la musique en tant que matière physique. Une collaboration avec l'ensemble de musique contemporaine Ictus (Bruxelles).




MALAM / NIGHT - triptyque

Tijdens een residentie in MA scène nationale – Pays de Montbéliard herwerkte Grace Tjang a retravaillé son installation performative MALAM / NIGHT en une œuvre vidéo lors d'une résidence à MA scène nationale – Pays de Montbéliard, en collaboration avec la vidéaste Emma van der Put, le compositeur Rombout Willems et le caméraman Koen De Saeger. Trois écrans et trois paysages sonores forment ensemble un triptyque actuellement en phase de finition. Ce triptyque est une œuvre à part entière dans l'univers artistique de MALAM / NIGHT.




ON TOUR

Molly Bloom

Après une quarantaine de représentations en Espagne, au Portugal, en France, en Allemagne, en Russie et au Chili, voici enfin la première belge de Molly Bloom. Pendant trois soirées (11, 12, 13 mai), la superbe salle du Vooruit à Gand résonnera du puissant monologue sur la sexualité, l'égalité et l'émancipation basé sur le dernier chapitre d'Ulysse de James Joyce avec l'inimitable Viviane De Muynck dans le rôle de l’épouse infidèle de Leopold Bloom. Un mois plus tôt (5, 6, 7 avril), la version française aura été jouée à trois reprises à La Filature de Mulhouse. À ne pas manquer !

Au printemps, la version chilienne mettant en scène Gabriella Hernandez sera également reprise à Santiago. Les dates des tournées sont régulièrement mises à jour sur notre site.


MALAM / NIGHT

Grace Tjang amorce répétitivement un dialogue avec la nuit durant les mois d'été, à l’affût des chimères de sa mémoire. L'installation performative MALAM / NIGHT sera présentée au Festival In Extremis du Théâtre Garonne (Toulouse) en juin et à Erlangen en août. Autres dates à venir !


Billy's Violence

Billy's Violence, l'adaptation radicale de Shakespeare par l'écrivain Victor Afung Lauwers et le metteur en scène Jan Lauwers sur une musique de Maarten Seghers, sera jouée les 18 et 19 mars à NTGent. Ces dates sont les dernières d'une longue série après l’Espagne, la France, la Pologne et la Belgique depuis la première à l'été 2021.



Il reste encore des billets, mais nous vous conseillons de ne pas trop attendre. Prochaine opportunité de voir ce spectacle couvert de lauriers : automne 2022.

Vous ne pouvez pas venir à Gand ? Palliez l'attente des nouvelles annonces pour 2022 en vous immergeant dans la musique que Maarten Seghers a composée pour ce spectacle. À écouter en ligne sur n'importe quel service de streaming ou à acheter physiquement sur notre Bandcamp. Le texte néerlandais original - Billy's Geweld, publié par Bebuquin - y est également vendu.

Entre-temps, Victor Afung Lauwers s'est vu confier une tâche d'écriture pour Billy's Joy, la deuxième partie du diptyque Billy's Problem. De quoi se réjouir en 2023…


Tout le Bien

Tout le Bien l'autoportrait fictif que Jan Lauwers a écrit et mis en scène en 2019 – est toujours en tournée. Au programme : l'Osterfestival Tirol, Innsbruck le 15 avril. Et il y a d’autres projets dans l'air… Des nouvelles suivront bientôt !


Calendrier des tournées

18, 19 marsBilly’s Violence (NTGent)
5, 6, 7 avrMolly Bloom (La Filature, Mulhouse)
15 avrTout le Bien (Osterfestival Tirol, Innsbruck)
4, 5 maiProbabilities of Independent Events (Theater Casino, Zug)
CH PREMIÈRE
8 maiProbabilities of Independent Events (Nebia, Biel)
10 maiProbabilities of Independent Events (Théâtre du Crochetan, Monthey)
11-13 mai Molly Bloom (Vooruit, Gand) BE PREMIÈRE
13 maiProbabilities of Independent Events (Salle CO2, Bulle)
15 maiProbabilities of Independent Events (Théâtre du Jorat, Mézières)
18 maiProbabilities of Independent Events (Equilibre, Fribourg)
3, 4 juinMALAM / NIGHT (Théâtre Garonne, Toulouse)
25-28 aoûtMALAM / NIGHT (Erlangen)
5 novAMOPERA (Tiroler Festspielhaus, Erl) PREMIÈRE MONDIALE


Changements dans la troupe

Notre développeuse artistique Kasia Tórz a décidé en janvier 2022 que son parcours professionnel divergeait de celui de Needcompany. Nous tenons à remercier Kasia pour les nombreuses idées et changements qu'elle a apportés à Needcompany au fil des ans et lui souhaitons un franc succès dans sa future carrière. D’ailleurs, vous devriez désormais l’appeler « docteur Kasia Tórz » puisqu'elle a récemment obtenu son doctorat avec brio.

Nous accueillons par ailleurs Dries D'Hondt en tant que coordinateur technique. Dries a précédemment travaillé entre autres pour Blindman et CC De Faktorij et a été pendant des années ingénieur du son free-lance pour Needcompany lors des tournées. L'expertise de Dries dans le domaine du son marquera sans aucun doute le travail de Needcompany dans les prochaines années.


Premis de la Critica



Nao Albet - l'acteur catalan qui fait partie de la distribution de Billy's Violence - a été nominé dans la catégorie « Meilleur acteur dans un second rôle » des Premis de la Critica - les prix de la presse catalane. La catégorie se discute – si tout le monde a un premier rôle, est-ce que tout le monde a un rôle secondaire ? – mais nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il mérite ce prix. Croisons les doigts !